30 novembre, 2005

Les barreaux.

La lumière s’évanouit d’un seul coup, sans prévenir. Il ouvrit les yeux dans la pénombre. Ses pupilles glacées étaient réduites à une fente foncée, trouble, d’une couleur incertaine, tantôt noire, tantôt bleu pétrole. Un grondement sourd s’étouffait dans sa gorge, se muant progressivement en hurlement rauque. Ses poils se hérissaient, droits et fins, le long de son échine recourbée. Ses lèvres retroussées étaient gonflées, son haleine fumante, opaque, fétide. Il se détendit d’un coup.

Depuis combien de temps attendait-il maintenant ? Deux heures… Trois heures… Peut-être même quatre ou cinq. Peut-être un jour ou deux. Quelques mois, qui sait ? Probablement des années. Il ne comptait plus depuis longtemps. Il avait perdu la notion du temps et le sens de l’humanité.

Alors pour oublier, il imaginait. Un monde cérébral où se côtoyaient des hommes, des enfants, parfois même des vieillards. Dans son cerveau blessé, les murs n’existaient pas, la lumière blafarde et crue du plafonnier était remplacée par la vision douce d’un soleil matinal, une couleur rougeoyante et chaude, lumineuse, réconfortante. Des rires fusaient, une musique chatouillait ses oreilles. Du classique, Verdi ou Rossini. Il aimait bien Rossini, avant…

Il s’ébroua et des larmes amères fusèrent de part et d’autre de son corps. Celles qui coulaient sur ses joues laissèrent des traces crasseuses sur son visage. Il ne les balaya même pas. Il s’en fichait. La foule bruyante de son cerveau se tue et le soleil disparut. Il ne restait que la réalité implacable : une geôle parfois grise, souvent sombre, où le temps s’égrainait au compte-gouttes, impitoyable.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci pour le partage :D