17 mars, 2006

La Salle De Bain


Puisses-tu exister, ô toi mon Roi…


Des habits sales traînaient, ici et là.
L’eau coulait, brûlante, le lavabo menaçait de déborder.
Le miroir, autrefois allié naturel et indispensable à ma beauté, était devenu mon pire ennemi. Il me renvoyait ce pauvre visage terne, si peu naturel, ces pommettes saillantes et bien trop hautes, ce front flasque et ces multiples ridules au coin des yeux. Le maquillage ne suffisait plus. Les fards coulaient, laissant des traces agonisantes et sèches sur mes joues désormais pâles.

Le corps était lisse. Le corps était chaud, doux et ferme. Le corps était entrain de disparaître, chaque jour un peu plus… Tant de beauté transformée en disgrâce… Mes yeux brillaient, oui, mais de larmes, que cachaient à peine mes mèches de cheveux trop longues pour mon âge.


Puisses-tu exister, ô toi mon Roi… Que n’ai-je besoin de ton amour près de moi…

L’envie de chair me rongeait de l’intérieur comme un animal parasite. Pouvoir toucher, être touchée, pouvoir caresser, être caressée, effleurée, suppliée, tâtée, empoignée, malmenée, embrassée…Retrouver le goût d’un homme, sentir son membre durcir dans ma bouche. Oh, comme je le voudrais… Chaque souvenir était comme un supplice, une réminiscence sévère, incontrôlable, impitoyable, qui me laissait dans un terrible état de manque. Y penser me laissait à plat à chaque fois. Quand venait le levé du jour, lorsque je rentrais chez moi sans avoir eu une seule visite de la nuit, j’essayais d’oublier en me précipitant dans la salle de bain, les yeux rougis de larmes, des courgettes dans les bras.

Le rituel commençait alors, imperturbable. Je soulevais de ma main droite mon sein gauche et le soupesais légèrement pour en tester la souplesse. Je le sentais pendant, mou, de jour en jour. J’enlevais mon petit pull en coton moulant noir, celui qui me donnait l’illusion d’avoir toujours ce même corps mince, celui de mes vingt ans, et restais devant la glace en soutien-gorge. C’était un amas de tissus noir, usé par de multiples lavages, qui recouvrait à peine une poitrine opulente et débordante en forme de poire. En soupirant, j’essayais de ne plus penser à ces seins ramollis et fermait un peu les yeux en les caressant des deux mains. D’abord doucement... Puis fermement. La bouche entrouverte, j’exhalais alors un petit soupir fraîchement parfumé à la menthe forte. Mêmes flasques, mes tétons répondaient en s’érigeant dignement sous la paume de mes mains.
J’ouvris les yeux et arrêtait tout, le cœur battant la chamade.

Puisses-tu exister, ô toi mon Roi…

Les légumes attendaient sur le rebord du meuble, à côté du lavabo, près de l’eau qui continuait de couler. La vapeur s’échappait dans l’air ambiant, formant un nuage onctueux et me brouillait la vue de mon corps vieillissant. Le tapis de bain se trouvait près de la douche. Je le pris et l’installais près de la grande glace en pieds, à l’autre bout de la pièce. Je jetais mes légumes, trois grosses courgettes, dans le lavabo d’eau bouillante et les frottaient énergiquement pour les laver. Plus je frottais, plus mes larmes coulaient. J’en étais réduite à ça : des courgettes. Dieu que la vie est triste… Des hommes avaient aimé ce corps, ou à défaut l’avait apprécié. Ils avaient bandé devant ces seins, jadis hauts et forts, pommés et juteux à souhaits. Combien de bouches les avaient gobés, ces si beaux seins. Des dizaines, des centaines, peut-être… Et aujourd’hui, ils étaient morts, hors d’usage. D’une main je dégageais un sein de sa prison de coton. Il était presque sexy, ainsi bandant, fier et soumis, dépassant du soutien-gorge. J’en profitais pour m’évader de mes pensées noires et le malaxais sans ménagement, m’arrachant un cri de douleur. Qu’elle était délicieuse, cette douleur… J’imaginais alors la bouche d’un homme qui les mordillait avant de descendre sur mon ventre et de s'égarer entre mes jambes.

Puisses-tu exister, ô toi mon Roi…
Près de toi je suis en émoi…

Tout s’accélérait.
Je m’allongeais sur le sol et, tandis qu’une main se perdait sur l’un de mes seins, le forçant à se dresser, lui donnant des secousses, le griffant un peu, même, parfois, l’autre main dégrafait maladroitement à toute allure le zip de ma minijupe en jean bleu marine. Je pouvais très bien passer par-dessous mais je voulais faire durer le plaisir, encore et toujours, le plus longtemps possible. Je sentais le satin de ma culotte sur mes doigts fébriles, et, imaginant un nez d’homme la frôlant de sa langue, j’écartais inconsciemment les jambes en me cabrant sur le sol.
La vapeur de l’eau chaude me montait à la tête, j’entrouvrais mes lèvres desséchées et passais ma langue dessus pour les mouiller un peu. Comme j’appréciais ce contact, je faisais durer un peu et caressais ma lèvre supérieure de gauche à droite, puis de droite à gauche, encore, encore, et encore. Et encore.
Ma main s’occupait toujours de mon sein, et je décidais de libérer l’autre. Les voilà qui pointaient tous les deux à présent, maintenus hors du soutien-gorge qui était là, pourtant. Ils étaient serrés l’un contre l’autre, tendus, droits comme des i, la sensibilité à fleur de peau. Avec ma langue je mouillais généreusement la paume de ma main avant de la passer bien à plat sur la pointe de mes seins qui dépassaient. Je poussais un gémissement à ce contact, je sentais un filet liquide s’échapper de mes jambes entrouvertes mais gênées par ma minijupe serrée. D’un mouvement sec, je remontais ma jupe. Oh, et puis non… Je décidais de l’ôter. Fébrilement, comme je venais de cesser toute activité, je me servais de mes deux mains pour défaire grossièrement ma braguette et baisser complètement ma jupe à mes pieds. Je restais ainsi, allongée, vêtue d’un soutien-gorge à moitié enlevé et d’une culotte de satin noir.
Mon cœur battait la chamade lorsque je m’apprêtais à me servir de mes deux mains pour caresser ce petit bout de tissus. Mes caresses se firent langoureuses, puis de plus en plus pressantes. Je poussais un petit cri lorsque, n’y tenant plus, je fis glisser un doigt par l’échancrure, sous l’élastique, pour atteindre mon sexe tiède et gonflé. Je le caressais doucement, avec un doigt, puis deux, puis avec la paume de ma main entière. Je léchais ensuite goulûment mes doigts avant de les introduire au plus profond de mon corps.
Je poussais des soupirs de plus en plus forts, j’haletais comme une chienne, plus rien ne comptait autant que mes mains qui fouillaient sans cesse, qui produisaient des va-et-vient sans relâche.

Puisses-tu exister, ô toi mon Roi…
Près de toi je suis en émoi…
Regarde, je suis à toi.


Je stoppais d’un coup. Avant l’orgasme, avant la montée ultime, j’arrêtais tout. J’ôtais mes doigts luisants de cyprine et prenais les courgettes chaudes, dans le lavabo. Je les essuyais à peine, les caressants chacune à leur tour, de haut en bas, d’une infinie douceur, comme je le faisais des mois auparavant à mes clients béats de contentement.
D’un geste brusque j’envoyais valser ma culotte dans un coin de la salle de bain et m’accroupissais, bien droite, sur une courgette tendue. Et je commençais. Je l’enfonçais profondément, sans ménagement pour avoir mal, les larmes aux yeux. J’avais mal, je me sentais vivante. Je la ressortais, la léchais en soupirant bruyamment, et la replongeais au plus profond de moi, perforant mon corps qui m’avait déjà échappé depuis longtemps. Et ce n’était pas l’humiliation qui me faisait le plus mal, mais plutôt les coups de buttoir qui me transperçaient au plus profond de mes entrailles. Comme cela ne me suffisait pas, je pris l’autre courgette et me la fourrait par derrière, une main l’enfonçant, toujours plus profondément, et moi haletant, le ventre broyé, le corps déchiré, poussant des gémissements de plaisir pathétique.

Puisses-tu exister, ô toi mon Roi…
Près de toi je suis en émoi…
Regarde, je suis à toi.

Enfin, la délivrance. Le corps secoué de spasmes violents, j’étais presque heureuse. L’orgasme arrivait, rapide, efficace, me laissant vidée de toutes mes forces sur le tapis de la salle de bain. Les légumes toujours en place, le cœur battant, je ne pouvais bouger et m’imaginais avec deux hommes, un devant, près de ma bouche, et l’autre derrière, collé dans mon dos, me caressant les seins. Au lieu de ça je me retrouvais accroupie, dans ma salle de bain, des légumes pleins les mains, tentant de me pilonner pour retrouver cette sensation d’amour perdu.
Alors je m’endormais souvent, là, étendue, gerbante.

4 commentaires:

Unknown a dit…

Quelle alliance de romantisme et de sensualité animale.

Une fan du Petit Prince a dit…

Merci Azerty :)

Lauren a dit…

j'aime beaucoup ce texte, même si le thème est glauque... En fait, je le trouve très bien mené. Les angoisses de cette femme aux charmes fânés sont très crédibles. C'est à la fois révoltant, triste, pathétique, et vrai. Et puis j'aime bien quand tu écris de manière crue, ça jure avec ta douceur et ça donne un contraste intéressant! Bises

Une fan du Petit Prince a dit…

Merci Mademoiselle :)
C'est vrai que ça me change d'écrire comme ça, je voulais quelque chose de différent, tout en restant dans mes thèmes favoris ;)
Gros bisous