19 mai, 2006

Il dort.

Il dort et son visage si lisse m’apparaît enfin, si doux à la lumière tamisée de l’ampoule dénudée. Il est serein, il dort, peut-être qu’il a un peu froid, je crois qu’il a la chair de poule. Ses lèvres sont un tableau vivant, une esquisse, elles m’appellent sans fin, inertes, soumises, offertes. Ses cils bordent ses yeux comme une parure soyeuse.

Je l’entends respirer… Il dort, on dirait un ange. Je l’entends respirer… Il dort, oui, je le sais, c’est un ange. Sa peau blanche frémit d’un mouvement soyeux, ses lèvres tendres sont bien dessinées. Elles sont pleines, paraissent douces, à les voir ainsi, inanimées. Une bouche d’ange qui dort, là, près de moi, et pourtant si loin… Une larme coule au bord de ses yeux, elle glisse et se déroule lentement sur sa joue mal rasée. J’aimerai bien la goûter…

Il dort. Ne faites pas de bruit. Oui, je le sais, c’est mon ange, et il ne peut pas m’entendre. Je le sais, seulement, j’ai un peu peur, et s’il m’entendait quand même ? Il ne sait rien de tout ça, lui si naïf, si candide, je l’ai déjà dit, un ange… Le drap qui le recouvre laisse échapper une épaule douce et blanche, une épaule vulnérable, qui appelle aux baisers. Je ne peux pas, il dort…

Juste un baiser, juste un. Je ne peux pas… Et s’il se réveillait ? Il me repousserait peut-être, me demanderait de partir, de ne plus le voir, plus jamais. Je ne pourrai le supporter. Perdue dans mes pensées, chaque soir, je le regarde dormir et dormir sans fin, priant Dieu pour que ses rêves le rapprochent de moi. Suis-je égoïste ? Je l’aime endormi, mon bel ange aux lèvres délicates, je le veux pour moi ainsi. Son épaule est douce, son visage serein, il ne saurait en être autrement.

Ma tête devient lourde à la voir ainsi assoupi, mes yeux se ferment, je lutte pour pouvoir le regarder encore et encore, je lutte contre ce maudit sommeil que j’exècre chez moi et que j’aime tant chez lui… J’ai si peur qu’il se réveille, mais non, il ne le peut pas. Il reste figé à jamais devant moi, si loin, si près, je ne sais plus… Figé sur mon écran, l’image ne se ternit jamais, ne s’éteint que lorsque je me décide enfin, les yeux se fermant d’épuisement, à presser le bouton off de mon ordinateur…

Et malgré ça, il reste là, imprimé dans mon cerveau si fatigué, en noir et blanc, en sépia ou même en couleur. Je le vois, il est là, il dort ; mes yeux sont fermés, comme les siens, mes lèvres s’entrouvrent, cherchant les siennes, en vain.

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