08 décembre, 2005

Extrait de : "Le pain et le mort"

Il avait la gorge sèche. Il passa le reste de la nuit à boire et à maudire les femmes, en commençant par sa mère.

* * *

Viens mon petit. Là. Reste près de moi. Plus près. Donne moi ta main, Raphaël, je la mets au chaud. Maman est là. Je vais t’aider à t’endormir. Embrasse moi.

* * *

Il se réveilla en sursaut, trempé de sueur. Ses yeux hagards, affolés, cherchaient à percer l’obscurité. Il poussa un gémissement et alluma sa lampe de chevet. Il se frotta les yeux, se leva et s’enveloppa dans un large sweater bleu marine.

Tenant à peine debout, il décida de retourner sur Internet. Ses mains étaient glacées.

* * *

Un rendez-vous, ça te branche ? J’habite près de la mairie de Romans. Ce n’est pas dur à trouver. Je t’attends si tu veux. Je peux mettre des bougies et de l’encens. La fumée ne te dérange pas ? D’accord. Mon prénom ? Fabrice. J’ai trente deux ans. Tu as une belle photo. J’aime ta bouche. Viens, je t’attends.

* * *

Son entrevue avec la charmante Blonde-Sexy13 s’était déroulée à merveille. Une fausse blonde, mais peu importe. Elle avait frappé à sa porte et il l’avait accueilli comme toutes les autres, avec une coupelle de champagne. Du mousseux, en vérité. Il n’était pas Crésus. Ils avaient baisé à peine dix minutes plus tard. Il était un peu frustré car son histoire de futur politicien ne l’avait pas particulièrement passionnée. Encore une conne.

Lorsqu’elle fut partie, il se doucha et essaya de dormir la lumière allumée. Il avait un peu peur de rester seul dans le noir. Il sombra dans un profond sommeil sans rêve, à peine réparateur.

* * *

Pain-Au-Sucre. Par rapport à quoi as-tu choisi ton pseudonyme ? D’accord. J’aurai du m’en douter. Une boulangère… Sexy ? On imagine toujours une femme ronde aux joues rouges, avec un chignon. C’est vrai, je m’égare. Je m’appelle Sébastien et j’ai bientôt vingt-huit ans. Je suis professeur d’histoire et de géographie.

Pain-Au-Sucre lui raconta qu’elle se nommait Clarisse et que sa récente rupture l’avait emmenée au bord du gouffre. Boulimie de gaufres, de chocolat et de poires, laisser aller général et agoraphobie naissante. Rejet des autres, fuite vers une autre ville, une autre région.

Il doit me rester des séquelles de cette relation. J’ai l’impression de changer. J’ai perdu le goût de la vie. J’ai perdu tous mes repères.

Raphaël buvait ses paroles en se projetant dans le passé. Il se revoyait gémissant, dans son lit, recroquevillé, sa mère passant doucement la main dans son pantalon. Il se revit à l’adolescence, puis à l’âge adulte. Sa fugue, sa recherche d’identité.

Clarisse, elle, était une vraie blonde. Une beauté scandinave, avec de grands yeux bleus froids comme un glacier. Grande et élancée, les cheveux raides balayant ses épaules comme un voile. En un instant elle tomba éperdument amoureuse. Un violent désir l’envahi.

Ils discutèrent ainsi pendant plusieurs minutes qui se muèrent en heures, qui se transformèrent à leur tour en jours et enfin en mois. Ils ne s’étaient toujours pas rencontrés. Etonnement, Raphaël lui racontait sa vie sans en inventer de détails, sans rajouter de fioritures. Il se libéra, lui racontant son enfance incestueuse avec sa mère Eugénie avec laquelle il avait cessé tout contact et qu’il haïssait du plus profond de son être. Il racontait la vie de Raphaël. Le vrai Raphaël.

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